CHAPITRE 9
Parmi les nombreux buts que Zainal s’était fixés figurait en tête de liste l’accès au bureau du commandant de l’astroport et l’accès à ses fichiers pour se renseigner sur la destination des vaisseaux d’esclaves. Il suffisait qu’il entre dans les lieux et trouve une pièce vide et un clavier pour accéder à ces informations. Rachat d’un autre genre. C’était sa responsabilité de réparer le mal fait au peuple de Kris, même si elle trouvait qu’il poussait un peu loin le sens de ses responsabilités. Les Terriens auraient dû être les alliés des Cattenis, non leurs esclaves. Incontestablement, à moins qu’il ne fasse quelque chose, il doutait que tous les Terriens asservis retournent jamais chez eux ; et avec tous ces captifs exilés de leur planète natale, les Humains pourraient-ils jamais être en bons termes avec les Cattenis ?
– Il se félicite que Kris ait pu sauver Ferris. Ses reconnaissances discrètes étaient appréciables, et il épargnait à Zainal de perdre son temps avec des vendeurs n’ayant rien qui l’intéressât. A l’évidence, le désir de bavarder en buvant gratuitement un excellent café motivait beaucoup de leurs visiteurs.
Les affaires furent très bonnes toute la matinée et jusqu’à l’après-midi, quand les marchands les plus prospères se retirèrent après le repas de midi, confiant leurs échoppes et leurs biens à leurs commis. Quelques-uns vinrent s’offrir un café quand leurs maîtres eurent disparu, qu’ils payèrent avec des babioles et de la petite monnaie. Pourtant, se dit Zainal, il faudrait travailler sans repos pour faire un bénéfice substantiel sur le breuvage. Mais il attirait l’attention des clients.
Il dut revenir sur cette opinion quand Floss, étroitement surveillée par Clune, prit la relève de Kathy Harvey au comptoir. Kris lui avait exposé avec désinvolture ce qu’elles avaient inventé : le premier bar à café de Barevi. La rumeur parlait aussi de plaintes au gérant du marché, parce que les gens s’attroupant devant le bar à café gênaient l’accès aux autres échoppes. Mais vers la fin de l’après-midi, elles avaient assez d’argent pour louer une autre échoppe, équipée – avec supplément – de tables, de chaises et d’un coin cuisine. Floss, bien installée derrière le « bar », servait prestement le flot des clients et ignorait les rires et les remarques des badauds agglutinés devant le cabinet d’Eric.
En début de soirée, Zainal chercha des signes de troubles parmi les gardes et les soldats qui avaient passé toute la journée à boire. Voyant que l’heure approchait, et que les autres marchands commençaient à fermer, il décida d’arrêter pour la journée. Zainal avait veillé à ce que tous les matériels qu’ils avaient rachetés soient emportés vers le BASS-1 dès que l’affaire était conclue. Il fut donc relativement simple de fermer et de retourner au KDM.
Ils étaient tous affamés et se réjouissaient de leur succès, pleins d’idées pour améliorer encore les affaires le lendemain.
Même Eric était en grande forme, car il avait plusieurs nouveaux clients pour des couronnes, en plus de Luxel. Ditsy lui dit d’engager l’homme au sourire en or, qui s’était trouvé là quand ils en avaient besoin.
– Si le bruit se répand, Zainal, dit Eric, attendant que Kris lui serve une deuxième portion, j’aurai besoin d’un assistant. Mes clients ne me paraissent pas du genre patient.
– Gino et moi, on n’a pas grand-chose à faire, dit Nonante Doyle. Si c’est de la force musculaire qu’il te faut…
El fit le geste de marteler.
– Pas exactement, mais ça prend du temps de marteler en feuilles même l’or le plus mou.
Puis Eric s’éclaira.
– Ce Natchi, quel bavard ! Je comprends à peu près trois mots sur dix de ce qu’il dit. Je pourrais lui faire un dentier qui lui servirait mieux que ce qui lui reste dans la bouche.
– La plupart du temps, quand les gens se font casser les dents dans les bars, c’est après les heures de marché, dit Ferris. Pour les traitements d’urgence, tu veux que je leur donne le numéro de notre parking ?
L’idée ne plaisait guère à Zainal, désirant qu’ils restent entre eux sur le BASS-1, aussi il lui opposa une autre idée.
– Tu peux vous présenter, toi et tes qualifications, aux médecins locaux. Et s’ils pensent que tes services sont nécessaires, ils pourront prendre rendez-vous pour le patient. De préférence au marché. Nous tâcherons de te trouver un meilleur emplacement dès que possible, Eric.
– Ce qui m’éviterait d’être regardé comme une bête curieuse, c’est sûr, dit Eric, acceptant la proposition de Zainal.
– Est-ce que Floss doit retourner à l’échoppe ? demanda Clune d’un ton plaintif.
Les deux adolescents se tenaient la main sous la table.
– Ça ne me dérange pas, chéri, dit-elle, posant une main caressante sur la grande main de Clune. Au moins, ils ne peuvent pas me pincer car je suis derrière le comptoir.
– N’agis pas impulsivement, Clune, dit Zainal, se sentant obligé de le mettre en garde.
– Je ne suis pas fou, grogna dédaigneusement Clune. Tous les Cattenis que j’ai vus aujourd’hui étaient bien plus lourds que moi, et ils avaient aussi plus d’allonge. Je ne suis pas idiot. M’en prendre à un de ces mecs, et je serais sur le carreau vite fait. Or, il faut que je reste à mon poste.
– Tu pourrais les ratatiner d’une seule main, dit Ditsy, admiratif. Tu as de la technique. Et le chef Materu t’a appris des coups fumants.
– Je ne veux pas de bagarres avec les Cattenis, dit Zainal, regardant Clune avec insistance, lequel acquiesça d’assez bon cœur, et Ditsy se renfonça dans son siège comme pour se rendre invisible.
– Je sais que la journée a été dure, dit Kris, mais nous devons mettre du café en sachets pour demain. C’est très utile d’en avoir sous la main !
De la tête, elle montra Kathy Harvey, qui avait fait la suggestion.
Ils protestèrent un peu, mais même Ferris et les fils de Zainal participèrent à la corvée, remplissant des sacs en papier trouvés sur la Terre dans un Starbucks3déserté.
– On n’en a presque plus, de ces sacs, remarqua Ferris. Ils devraient nous verser des royalties pour la pub.
– Est-ce qu’on pourra en trouver ici, Zainal ?
– C’est possible. Les garçons, voyez ce que vous pouvez dénicher demain matin après l’ouverture. Et regardez si vous voyez quelque chose qui conviendrait à Eric. En général, les échoppes fermées sont en bout d’allée.
– Tu veux dire qu’on peut flâner à notre aise ?
– Ne vous faites pas remarquer, c’est tout, dit Zainal.
– On pourrait y aller aussi, père, dit Peran avec enthousiasme.
– Après vos leçons avec Brone, vous pourrez peut-être faire une promenade.
Il interrogea Brone du regard, qui accepta d’un hochement de tête. Il préférait que ses fils ne sortent pas seuls car, en tant que jeunes Cattenis, ils seraient minutieusement surveillés par tous les adultes. Toutefois, accompagnés de Brone, il était sûr que leur turbulence naturelle ne leur attirerait pas d’ennuis.
– On pensera en Massais, et on se demandera si le chef Materu permettrait à sa tribu de faire ce qu’on projette.
– Le chef Materu était très strict mais juste, dit gentiment Bazil. Mais ce qu’il avait l’air féroce quand il fronçait les sourcils ! Et ça voulait toujours dire des corvées supplémentaires.
Il fit une grimace à ce souvenir
– Je peux poser une question, père ? ajouta-t-il, levant un index hésitant. Dans la plupart des tribus africaines, si un objet est volé, il sera volé de nouveau. Je veux dire, nous savons tous que le marché est plein de trucs volés sur la Terre. On ne pourrait pas les revoler sans s’embarrasser de tout ce troc ?
Zainal s’éclaircit la gorge. Dans certaines sociétés très primitives qu’il avait vues dans ses expéditions de reconnaissance, la récupération des biens volés faisait partie de l’éducation. Il fallait entrer, récupérer l’objet, et sortir sans être vu. Les Turs en avaient fait un art, et beaucoup étaient morts en continuant à le pratiquer ailleurs.
– Nous respectons les lois de la planète où nous nous trouvons, Bazil. Et bien que ce soit tentant, le vol est brutalement réprimé sur Barevi, et Kapash serait ravi de faire sentir toutes les rigueurs de la loi à n’importe lequel d’entre nous.
– Oh ! s’écrièrent en chœur Ferris et Ditsy, en écho à la réaction stupéfaite de Bazil.
– Mais si on ne sait pas que c’est nous ? insista-t-il.
– Qui d’autre iraient-ils soupçonner, Bazil ? demanda Chuck, fronçant sévèrement les sourcils.
– Vous pouvez quand même vous balader, mais uniquement à l’intérieur du marché. Et toutes les heures, vous nous appellerez, moi ou Kris, ajouta Zainal, montrant leurs portables.
– On m’a proposé une pièce d’or pour le mien, dit Bazil.
– N’accepte pas à moins de quarante, dit vivement Ferris, avant de voir Zainal froncer les sourcils.
– Réponds qu’il n’est pas à vendre, fit-il avec fermeté.
– Je sais où on peut en trouver d’autres, dit Ditsy, sortant un bout de papier de sa poche.
Zainal se pencha avidement.
– Unité portable à l’iridium, Echoppe Soixante-Douze-K. Enfin, je crois que c’est un « K », dit-il, passant le papier à Zainal, un doigt crasseux sur le logo.
– Exact. Très bien, Ditsy. Je me demande si Kapash me dira qui est le locataire de l’échoppe.
– S’il ne te le dit pas, Natchi le fera, remarqua Ferris. Il sait tout ce qu’on peut savoir sur le marché.
Sur ce, Kris fronça le nez.
– Je ne sais pas pour les sanitaires des hommes, mais les nôtres sont épouvantables. Vraiment, à quoi sert l’argent du loyer si ce n’est pas à nettoyer les toilettes ?
– A réparer les dégâts faits par les ivrognes, répliqua Ferris avec dédain.
Zainal fit un signe de tête à Kris. Cette négligence pouvait constituer un bon argument lors de sa prochaine discussion avec le gérant du marché. Mais Kapash ne s’intéressait sans doute guère aux améliorations destinées aux femmes. Kapash, Zainal en était certain, professait les vues cattenies traditionnelles sur les femmes : elles devaient se contenter de ce qu’on leur donnait.
– Je suis volontaire pour les nettoyer demain, proposa Floss. Je ne peux plus supporter la puanteur, et qui sait ce que j’y trouverai !
Zainal ne comprit pas pourquoi Kris avait l’air si contente de cette proposition mais, à l’évidence, elle approuvait la bonne volonté de l’adolescente.
– Finissons de remplir nos sachets…
– « Tote dat barge, lift dat bale » chanta Clune d’une vibrante voix de basse qui stupéfia tout le monde.
– « Git a little drunk and you lands in », continua Ferris d’une voix cassée de ténor, faisant signe à Clune de terminer la chanson.
– « Jay… ill… », reprit-il, descendant encore dans les graves.
Applaudissements, qu’il fit taire de la main.
– « Old Man River, he just keep rolling along. »
Il termina son récital improvisé par une profonde révérence, qui lui valut une nouvelle salve d’applaudissements, avant de faire signe à ses amis de reprendre la mise en sachets.
Zainal ne s’y connaissait guère en musique, mais il constata que le travail avançait plus vite au rythme des chansons que les autres lui réclamèrent. Quand Kris décréta l’arrêt de l’opération, ils avaient vingt-cinq livres de robusta en sachets, et autant d’arabica, plus doux, ce qui suffirait pour le lendemain, même si les affaires étaient exceptionnellement bonnes. Sally finit de compter la recette du jour, et Eric leur communiqua le nombre de ses rendez-vous dentaires. Il avait exigé d’être payé moitié au début des soins – ce qui leur donnait des liquidités pour les achats courants – et moitié à la fin. La dentisterie s’avérait profitable. Zainal leur détailla ce qu’il avait fait avec les rentrées du jour, et ce qu’il lui fallait pour le lendemain.
– Alors, nous aurons un bénéfice, supputa-t-il.
– Avec un peu de chance, dit Kris, qui porta la main à sa bouche, regrettant cette remarque négative. J’ai l’impression que les marchands nous font tirer la langue.
– Toi aussi, dit Kathy.
– Comme pour nous mettre à l’épreuve ? demanda Chuck. Ou simplement parce qu’ils n’ont pas envie de vendre ?
– D’après ce que disent Natchi et Erbri, son copain amputé du pied, ils n’ont pas d’acheteurs pour leurs marchandises, alors pourquoi ne viennent-ils pas nous les proposer à nous, qui ne demandons qu’à les acheter, pour en tirer le bénéfice qu’ils peuvent ? remarqua Zainal. En plus d’Erbri, Natchi va nous amener deux autres mécaniciens pour réparer les monte-charge et autre matériel jetés aux ordures. C’est une petite affaire imprévue qui marche plutôt bien.
– Est-ce que Kapash intimiderait les marchands, malgré ses prétentions affichées à nous aider ? demanda Kris.
– Il ne nous aide pas du tout, dit Zainal. Il fait tout ce qu’il peut pour nous mettre des bâtons dans les roues. Méfiez-vous de lui. Tous.
– Qu’est-ce qu’il a contre toi, Zainal ? s’enquit Chuck, l’air neutre.
– Je le connaissais quand il faisait le commerce de drogues illégales, et il sait que je suis au courant.
– Alors, c’est lui qui s’est arrangé pour t’embarquer sur ce vaisseau d’esclaves ?
Zainal expira lentement.
– Je ne peux l’affirmer avec certitude, mais je me suis renseigné discrètement, par l’intermédiaire de Natchi, Erbri et leur bande. Au fait, n’oubliez pas d’offrir le café à tous les vétérans infirmes.
Ils acquiescèrent de la tête.
– Quelle façon plus radicale de se débarrasser d’un informateur éventuel que de l’expédier là où il pourra mourir de maladies indigènes ou être tué par des esclaves révoltés 1 demanda Kris avec irritation.
– Le chef Materu dit qu’on forge soi-même sa chance, affirma Clune avec dignité.
– C’est bien vrai ! s’écria fermement Chuck, approuvé par tous les travailleurs épuisés, qui se levèrent avec raideur et partirent vers leurs cabines.
– Est-ce vraiment un bon début ? murmura Kris à Zainal quand ils furent au lit.
– On ne peut pas dire que les marchands se bousculent devant notre porte, répondit-il, lui caressant les cheveux, ravi comme toujours de leur douceur soyeuse, avant de la serrer dans ses bras.
– D’où sors-tu cette expression ?
– Ferris, bien sûr, dit Zainal, resserrant son étreinte.
Il ferma les yeux pour s’appliquer à dormir.
Bien qu’heureuse de le sentir près d’elle, elle mit longtemps à suivre son exemple. Et le matin arriva bien trop tôt.
Ils se réveillèrent tous à l’heure pour le petit déjeuner. Puis Peran alla voir si Natchi était là avec son monte-charge, comme il l’avait promis la veille. Peran avait chipé pour lui une tranche de bon pain de Botany, généreusement tartinée de miel. Ils s’étaient liés d’amitié. Natchi était là et accepta le pain avec gratitude, disant qu’il n’en avait jamais mangé d’aussi bon. Peran en avait trouvé la recette dans la bibliothèque du vaisseau, mais il ne savait pas où en dénicher les ingrédients. Il ignorait ce qu’étaient « la farine », « le beurre » ou « la levure ».
Mais Natchi savait beaucoup de choses et réfléchirait au problème. Au moins, ils avaient la recette du pain et la liste des ingrédients nécessaires. Impossible de faire une chose tant qu’on ne connaît pas sa composition. Ce qui était précisément la raison de la présence de son père sur Barevi – trouver des pièces pour les sats com et autres appareils hautement techniques, qui étaient censés « améliorer » un grand nombre de choses. Peran trouvait que sa vie était différente et « améliorée » quand il pensait à l’époque – ce qui n’était pas fréquent – où, en l’absence de son père, sa tante et son oncle le punissaient pour des fautes qu’il ignorait avoir commises. Il avertissait Bazil et évitait ainsi à son frère de souffrir des mêmes mesures disciplinaires. Maintenant que son père était là, tout était « amélioré ». Il aurait aimé revenir vivre plus tôt avec son père, mais la vie avait été très intéressante au camp des Massais, et le chef Materu était très juste. Il n’avait jamais compris ce que son père, qui agissait honorablement en tout, avait fait pour mériter d’être renié par sa propre famille.
Peran, avec l’aide de Bazil, transféra les cartons de café sur le monte-charge. Quand ils eurent terminé, ils étaient tous prêts à partir, Clune emportant dans le thermos ce qui restait du café du déjeuner. Il en offrit une tasse à Natchi, qui la but avec plaisir après avoir mangé la tartine de Peran.
– Après les sandwiches d’aujourd’hui, dit Kris, déposant sur le monte-charge la corbeille tressée à la main sur Botany, il n’y a plus de pain.
– C’est difficile de faire du pain, Kris ? demanda Peran, avec un clin d’œil à Natchi.
– Non, mais il faut des ingrédients qu’on ne trouve pas ici.
– Je croyais qu’il y avait tout sur Barevi, dit Bazil, les yeux écarquillés.
– Pas tout à fait tout, dit Zainal en riant, ébouriffant les cheveux de son fils.
– Quoi, par exemple ? demanda Peran.
– Le lait…
– Ce truc blanc que tu nous as fait boire. Le lait de vache ? Du Kenya ?
– C’est très nutritif, dit Kris avec conviction.
– On n’en trouve pas en boîte aussi ? demanda Ferris.
– Si, mais je n’en ai pas vu dans les échoppes de produits alimentaires, répondit Kris.
– Quoi d’autre ?
– La farine. Qui est généralement du blé ou du maïs moulu.
– Et ? l’encouragea Ferris, jugeant au ton de Kris qu’il y avait un autre ingrédient indispensable.
– La levure. Je n’ai encore jamais vu ici. C’est un levain qui, comme son nom l’indique, fait lever la pâte pendant la cuisson. Comme pour vos galettes cattenies.
– Nos galettes ? Peuh, dit Bazil qui en avait trop mangé, brûlées ou mal cuites, dans son enfance.
– Mais pourtant tu aimes le pain, protesta Kris.
– Le pain de Botany, oui, dit Bazil.
– On devrait pouvoir trouver un substitut à la levure, et peut-être des boîtes de lait, remarqua Ferris.
– Probable, dit Zainal, notant l’air spéculatif de Ferris. Mais ces choses ne sont pas faciles à dénicher ou… à voler.
Kris leva les yeux au ciel, car Ferris était capable de vouloir prouver leur erreur aux sceptiques, et Zainal venait de piquer sa fierté professionnelle. Elle espéra ardemment que Ferris aurait compris l’allusion, ce qui fut sans doute le cas, car il lui lança un regard accusateur et ulcéré. Elle se demanda si elle devait prévenir Floss et Clune de surveiller ses tendances à la kleptomanie. En route pour leur échoppe, elle ne manqua pas de leur montrer le triangle où les délits mineurs étaient punis, à l’aide de fouets particulièrement rébarbatifs. Procès et sanctions n’existaient pas sur Botany. Mais sur Barevi, les châtiments corporels pour des infractions mineures au règlement du marché, tels que les petits vols, étaient rapides et sans appel. Ferris semblait plus robuste que Ditsy, mais suite à la malnutrition, ses os restaient fragiles. Elle refusait de penser à ce qui lui arriverait sous le fouet.